Antoine Desjardins

ANTOINE DESJARDINS

Photo : Caroline Perron

RÉSIDENCE AUTOMNALE

Après avoir complété un baccalauréat en enseignement primaire à l’Université de Montréal au printemps 2013, Antoine Desjardins s’est inscrit au certificat en création littéraire de l’UQÀM à l’automne 2014, curieux d’explorer davantage sa passion pour la littérature. Ce qui ne devait être qu’un bref aparté dans sa carrière d’enseignant s’est avéré un point tournant de sa vie; un an et demi plus tard,  déterminé à faire de l’écriture sa principale vocation, il s’inscrit à la maîtrise en création littéraire à l’UQÀM.

De l’hiver 2016 au printemps 2018, dans le cadre de ses recherches, il s’intéresse à la géopoétique en tant qu’approche créatrice privilégiée pour s’engager dans la lutte environnementale, surmonter l’écoanxiété et rendre compte de la crise écologique par une pratique artistique alliant poésie, science et éthique. Le mémoire issu de ce travail, soutenu par une bourse Joseph-Armand Bombardier du Conseil de recherche en sciences humaines du Canada en 2017, lui vaut le prix André Vanasse, décerné par le département de littérature de l’UQÀM, à l’hiver 2019.

Indice des feux, son tout premier livre, paraît à l’hiver 2021 chez La Peuplade et bénéficie d’une excellente réception par la presse.















« Dans le cadre de cette résidence d’écriture, je souhaite composer une nouvelle littéraire explorant le thème de l’érosion des berges du fleuve Saint-Laurent. 

S’il ne date pas d’hier, ce phénomène est en accélération constante depuis les années 1990, notamment en raison de la hausse des températures hivernales liée au réchauffement climatique, qui réduit le couvert de glace et expose le littoral à un plus grand nombre de tempêtes. Selon une étude dirigée par le professeur Patrick Bernatchez de l’Université du Québec à Rimouski, plus de 5200 bâtiments seront exposés à l’érosion côtière d’ici 2065 au Bas-Saint-Laurent, en Côte-Nord, en Gaspésie et aux Îles-de-la-Madeleine. Au-delà de la perte économique (évaluée à un peu plus de 1,6 milliard de dollars canadiens) qu’entraînera l’érosion côtière, je m’intéresse d’abord et avant tout à son coût humain, à ses impacts sur les gens qui perdront leur domicile ou verront des lieux aimés (des bâtiments, des rives, des plages) être rayés de la carte. 

Dans la mesure du possible (selon les normes sanitaires en vigueur au moment de la résidence), je souhaite rencontrer des gens qui habitent et qui connaissent intimement des villages et des lieux fragilisés, endommagés, transformés ou à risque de disparaître en raison du recul accéléré des berges du fleuve. J’aimerais particulièrement m’entretenir avec des citoyen·nes de Ste-Luce ou de Ste-Flavie. En plus d’être mis à mal par la tempête hivernale du 6 décembre 2010, certains secteurs riverains de ces municipalités sont aujourd’hui si directement menacés par les effets dévastateurs des phénomènes climatiques violents sur l’érosion côtière que leurs administrations ont dû offrir un dédommagement financier à certain·es propriétaires pour les encourager à quitter leur domicile, ou encore pour que celui-ci soit déplacé vers un nouveau site, plus sécuritaire. Échanger avec des personnes affectées par ce phénomène me permettrait de mieux saisir les émotions, les souvenirs, les réflexions et les sensations liées à une telle expérience, dont je serai ensuite plus à même de révéler la portée existentielle dans l’écriture. 

Par la mise en parallèle de l’érosion des berges et de l’effritement de la mémoire des gens voyant leur demeure être déracinée, abandonnée ou démolie, j’aspire à interroger les liens intimes et affectifs unissant le territoire habité à la construction identitaire et à la mémoire. Qu’advient-il de nous lorsque des lieux aimés disparaissent pour toujours? Les endroits disparus persistent-ils en nous, empreints dans nos paysages intérieurs? Quelle part du souvenir subsistera, envers et contre tout, et quelle part se verra, au contraire, rayée de la carte à jamais, emportée par les eaux avec le sable et l’argile? 

Voilà les questions que je compte explorer au cours de cette résidence. »